Publié: May 31, 2025 | 01:30 pm
Par: Agata Foksa Biegaj
Le 30 avril 2025 a marqué un moment historique pour les défenseurs des rivières, les militants écologistes et les citoyens de toute la Pologne. C’était le dernier jour pour soumettre les signatures recueillies dans le cadre d’une initiative législative citoyenne — un outil constitutionnel permettant à au moins 100 000 citoyens de proposer une nouvelle législation. Cette fois, le projet de loi visait à reconnaître la rivière Oder comme une entité juridique, un être doté du droit d’exister, de prospérer et de se régénérer.
Bien que nous ayons légèrement manqué le seuil requis — avec 92 998 signatures valides recueillies — la campagne a déjà marqué l’histoire. Grâce à un large soutien public et à un engagement multipartite sans précédent, le projet de loi a été officiellement soumis au Parlement polonais (Sejm) par un groupe de 41 députés représentant un large éventail d’affiliations politiques. La rivière Oder, encore en souffrance après la catastrophe écologique de 2022, est désormais défendue — haut et fort — au cœur même de la démocratie polonaise.
Un mouvement populaire pour une rivière vivante
- 1 460 personnes ont téléchargé l'autorisation officielle pour collecter des signatures ;
- 147 points de collecte ont été établis dans des librairies, cafés, ONG et universités ;
- des signatures ont été recueillies lors de plus de 230 événements publics ;
- 250 scientifiques ont signé une lettre ouverte soutenant le projet de loi ;
- 52 universités publiques et 5 privées ont approuvé l'initiative ;
- la campagne a généré plus de 300 mentions dans les médias, de Fakty TVN et Teleekspres à Wyborcza, Oko.press et Radio Nowy Świat.
Ce n’était pas simplement une collecte de signatures. C’était un éveil national — une reconnaissance que nos rivières ne sont pas de simples infrastructures, mais des écosystèmes vivants ayant une valeur intrinsèque.

Source: Auteur.

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De la tragédie à la transformation
Un nouveau modèle de gouvernance : le Comité de la rivière Oder
- 1 représentant du ministère de l'Environnement ;
- 2 de l'État des Eaux Polonaises (PGW Wody Polskie);
- 3 des gouvernements locaux ;
- 3 représentants des principaux utilisateurs de la rivière (par exemple, tourisme, agriculture, communautés locales) ;
- 6 d'ONG environnementales et du groupe d'initiative original.
Le comité sera soutenu par un comité scientifique de l’Oder, composé de 10 experts dans des domaines tels que la biologie, l’hydrologie, le droit et les sciences de l’environnement. Cette structure garantit que l’intégrité écologique et les voix communautaires sont intégrées dans la prise de décision — établissant un précédent non seulement pour la Pologne, mais pour toute l’Europe.
Reconnaissance internationale
Le mouvement a déjà suscité une reconnaissance internationale. Des représentants de la campagne ont été invités à s’exprimer au nom de l’Oder aux Nations Unies à New York et à l’Assemblée nationale française. La reconnaissance des droits des rivières n’est plus marginale. De la rivière Whanganui en Nouvelle-Zélande à la rivière Atrato en Colombie, en passant par des initiatives au Canada, en Équateur et aux États-Unis, une transformation juridique mondiale est en cours — une transformation qui reconnaît que des écosystèmes sains ne sont pas des ressources, mais des parents.

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Et maintenant ?
Avec le soutien de 41 députés, le projet de loi est désormais entré dans le processus parlementaire officiel. Les mois à venir comprendront : une première lecture au Sejm, où le projet de loi sera présenté et débattu ; un examen en commission, au cours duquel des modifications et des avis d’experts pourront être envisagés ; une deuxième et une dernière lecture, suivies d’un vote. Si le projet de loi est adopté, il sera transmis au Sénat, puis au président pour approbation. Si le président oppose son veto au projet de loi, le Sejm peut passer outre la décision avec une majorité des 3/5.
Les membres de la Fondation de la Personnalité Juridique de l’Oder et d’autres experts environnementaux participeront activement au processus législatif, veillant à ce que l’esprit de l’initiative — enraciné dans la communauté, scientifiquement solide et juridiquement robuste — reste intact.
Le projet de loi est désormais à l’étude officielle. Les consultations publiques ont commencé, et les premières étapes du processus législatif sont en cours. Ce n’est plus une vision lointaine. C’est en train de se réaliser. Et bien que la route à venir soit longue, la direction est claire : vers un système juridique et politique qui considère les rivières non pas comme des propriétés, mais comme des entités vivantes.

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Un moment décisif
La campagne pour la rivière Oder ne concerne pas seulement une rivière. Il s’agit de transformer notre relation juridique, culturelle et émotionnelle avec le monde naturel. Face à la crise climatique, à l’extinction massive et à la stagnation politique, les droits juridiques pour la nature offrent une alternative radicale mais ancrée — fondée sur le soin, la science et la justice.
Nous sommes passés près des 100 000 signatures — mais en fin de compte, nous avons accompli quelque chose d’encore plus puissant : nous avons créé un mouvement trop fort pour être ignoré. La rivière s’exprime, et le Parlement polonais écoute — prudemment, attentivement et, espérons-le, avec la volonté d’embrasser cette étape historique.
À propos d'Agata Foksa Biegaj
Agata Foksa-Biegaj est une avocate spécialisée en droit international et en droits de l’homme, avec une expérience de travail pour la Cour européenne des droits de l’homme, Global Rights Compliance et WWF Japon. Passionnée par le rapprochement entre le droit, la protection de l’environnement et la justice sociale, elle explore également l’intersection entre la spiritualité, l’astrologie et l’émancipation humaine. À travers sa fondation “Better”, Agata intègre son expertise juridique avec une approche visionnaire pour inspirer un changement significatif.
Contact: afbiegaj@gmail.com; kontakt@osobaodra.pl