Yenny Vega Cárdenas, Présidente, OIDN, Inès Benadda, Vice-présidente OIDN, Daniel Turp, Professeur, Université de Montréal.
Profitons de cette journée internationale de la Terre pour souligner le lien intrinsèque entre la santé humaine et la conservation de la nature, voire de l’environnement et de toutes ses composantes. Effectivement, l’environnement est un important contributeur au fardeau des maladies. Pourtant, on oublie de mettre en avant à quel point l’indicateur global de sa qualité peut bien prédire l’état de santé de la population. Le COVID-19 n’est en fait qu’un reflet du miroir de notre planète bien malade.
Ce contexte de pandémie mondiale nous permet par le fait même d’être conscients des nombreuses leçons que nous pouvons en tirer. Nous avons ainsi démontré qu’en l’espace de quelques semaines, le Québec pouvait respecter en grande partie ses engagements mondiaux concernant la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Évidemment, toute la population québécoise a contribué, en baissant de manière radicale ses déplacements considérés comme non essentiels.
Nous avons prouvé qu’en tirant parti des moyens de communication déjà existants, il est possible de faire du télétravail même dans les fonctions où auparavant ceci n’était pas pensé ou autorisé par des employeurs, ce qui a permis de diminuer nos déplacements et de nous rapprocher de nos familles. Certes, grâce aux moyens de communication, le monde est toujours interrelié, mais on n’a plus à émettre autant de CO2 dans l’environnement. Soulignons que selon des rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution atmosphérique était considérée comme cancérigène[1].
Nous concevons maintenant que ledit télétravail révolutionnerait nos vies au point d’engendrer la baisse de population concentrée dans les villes, puisque ce moyen de travailler nous permettrait de vivre près de la nature, avec plus d’espace et cette possibilité de reconnecter avec elle. Notre qualité de vie en serait ainsi améliorée au lieu d’être gaspillée pour nos déplacements. Réticents d’abord à l’enseignement en ligne tout comme réticents à permettre le télétravail quand cela est possible, nous démontrons maintenant malgré la difficulté de ce choix les grands avantages qu’il comporte. La nature reprend ses droits, le ciel semble moins pollué, les étoiles plus visibles, et nos rapports véritablement essentiels se bouleversent, reprenant la place précieuse qu’ils devraient occuper dans nos vies, à commencer par ceux avec notre famille, nos enfants, nos aînés, notre santé et notre environnement.
Les effets de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine ont d’ailleurs été documentés. Selon un rapport de l’OMS, plus de trois millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de causes et d’affectations liées à l’environnement, tels que la pollution de l’air, la contamination de l’eau, et en général la dégradation de l’environnement[2]. Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, appelait d’ailleurs les familles et les dirigeants à protéger nos enfants, qui, sans être les victimes directes du coronavirus, pourraient en subir les conséquences, pas plus tard que le 16 avril dernier[3]. De surcroît, depuis qu’on étudie les effets de la pandémie, ce sont les endroits les plus pollués qui comptent le plus de décès[4], comme le remarque le docteur François Reeves, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Or, face aux défis qu’imposent des situations dont celles que nous vivons actuellement, une relance économique durable devra s’opérer après la pandémie. Cependant, celle-ci devra nécessairement se baser sur l’importance de protéger à long terme la santé humaine, mais aussi la santé de tous les êtres vivants, puisque notre destin est intimement interrelié à eux, tel qu’il appert de certaines hypothèses de cette crise sanitaire.
D’ailleurs, le monde devient de plus en plus conscient de l’importance d’avoir un protocole d’éthique global lors de la manipulation, l’exploitation, le commerce et l’expérimentation avec les animaux. Ceux-ci se voient effectivement de plus en plus reconnaître des droits. L’objectivisation planétaire des animaux est en train de basculer vers une reconnaissance de ceux-ci à titre d’êtres doués de sensibilité (Québec, France, Colombie), et d’autres pays encore les reconnaissent déjà comme des sujets de droits (Inde, Argentine, Philippines).
Nous concevons également que la préparation d’une économie locale, et l’importance d’assurer une sécurité alimentaire, doivent cependant se faire en considérant les erreurs du passé, dont le cas des épidémies de typhoïde et de choléra dans les années 70, où une relance économique au Québec n’avait pas tenu compte de l’importante corrélation entre santé du fleuve et santé humaine.
C’est pourquoi nous tenons à souligner que dans ce contexte sanitaire critique, ainsi que dans une situation de changements climatiques amorcés, la protection de la nature, non seulement comme ressource, mais comme élément vital pour l’homme et les autres espèces vivantes, s’avère être un impératif de demain.
[1] OMS, respire la vie-une campagne sur les dangers de la pollution de l’air-infographies. En ligne : https://www.who.int/phe/infographics/breathe-life/fr/ [2] OMS, Les effets de l’environnement sur la santé de la mère et de l’enfant : https://www.who.int/ceh/publications/factsheets/fs284/fr/ [3] ONU, La récession mondiale due au Covid-19 pourrait causer des centaines de milliers de décès d’enfants en plus. En ligne : https://news.un.org/fr/story/2020/04/1066802 [4] La pollution fauche plus de vies que les virus. En ligne : https://nouvelles.umontreal.ca/article/2020/04/16/la-pollution-fauche-plus-de-vies-que-les-virus/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter&fbclid=IwAR2kKLZ9-MyLATEYvBwoiPwZ1zJOqEbLzId1p9B6QMLGRYEmmqVpVc5vvog