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Publié: 28 Oct 2025 | 9h30
Par: Elisa Mairet, Juriste et Responsable des communications, Observatoire international des droits de la Nature
Supervision: Yenny Vega Cárdenas, Avocate et Présidente de l'Observatoire international des droits de la Nature
Le 15 octobre 2025 s’est achevé le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la Nature et a réuni plus de 10 000 personnes. Cet événement organisé tous les 4 ans, s’est tenu à Abou Dhabi, aux Emirats Arabes Unis. À l’Observatoire international des droits de la Nature (OIDN), nous nous réjouissons de constater la place majeure des droits de la Nature dans un événement d’une telle envergure. Nous saluons, par ailleurs, les initiatives portées par les communautés, experts et organisations de la société civile, venues des quatre coins du monde, pour défendre un nouveau rapport à la Nature. Ce travail a permis l’adoption de plusieurs textes importants.
Tout d’abord, l’adoption de l’appel à l’action d’Abou Dhabi qui encourage la communauté mondiale à intensifier les actions dans cinq domaines : Nature et bien-être, multilatéralisme, justice et inclusion, connaissances et innovation, et ressources pour la Nature et le climat.
Par ailleurs, les négociations ont donné lieu à pas moins de 148 motions dont 5 concernent directement les droits de la Nature. Elles invitent les États à repenser leur rapport à la Nature et à adapter leur système juridique. À ce titre, la motion 067 « vivre en harmonie avec les cours d’eau grâce aux droits de la Nature et au droit écocentrique » portée par Earth law Center, a particulièrement attiré notre attention. Elle s’inscrit dans la continuité de la résolution « intégrer les droits de la Nature comme pierre angulaire du processus décisionnel de l’UICN » adoptée à Jeju en 2012 et rappelle que les activités humaines mettent à mal les cours d’eau, pourtant essentiels à la vie sur Terre. Ces dégradations affectent les droits humains ainsi que les “droits et [les] valeurs de ceux pour qui les cours d’eau sont des entités vivantes”, c’est-à-dire les personnes et les peuples qui considèrent les lacs, les rivières ou les fleuves comme des entités vivantes, dotées d’une personnalité et non simplement comme des ressources à exploiter.
Ainsi, la motion 067 rend hommage à ces peuples qui jouent un rôle essentiel dans la protection des systèmes aquatiques et dont le rapport à la Terre-Mère est une source d’inspiration à laquelle nous devons tendre.
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La protection et la restauration de ses écosystèmes sont essentielles pour préserver la biodiversité et lutter contre les changements climatiques. Pour cela, plusieurs recommandations sont portées dans la motion 067:
- Soutenir ces efforts par la reconnaissance des droits de la Nature, la coopération internationale et la participation active des peuples autochtones, des communautés locales, de la jeunesse et des femmes. Leur participation permet de combiner savoirs traditionnels, vigilance locale et innovation sociale pour une gestion collective, efficace, durable et juste des écosystèmes.
- Harmoniser les textes et déclarations juridiques par le travail concerté de la Commission mondiale du droit de l’environnement (CMDE) et les rédacteurs des déclarations sur les droits de certains écosystèmes. Ceci est primordial afin d’éviter des contradictions entre les déclarations et pour aider à la mise en œuvre de ces droits dans les politiques publiques et les politiques de gestion de l’eau.
- Encourager une réflexion approfondie des membres de l’UICN sur les droits de la Nature et l’approche écocentrique pour encourager le développement de solutions innovantes inspirées des pratiques ancestrales des peuples autochtones.
- Créer des synergies entre les pays transfrontaliers par la mise en place de commissions collaboratives pour des écosystèmes partagés. Une approche collaborative, en particulier par la combinaison d’approches juridiques, scientifiques et culturelles est indispensable si l’on veut protéger efficacement et durablement les écosystèmes « partagés ».
- Accroître les ressources financières disponibles pour les « actions en faveur de la Terre nourricière ». L’aspect financier est un levier important pour soutenir les projets de protection et de conservation des écosystèmes et permettre la mise en œuvre de solutions concrètes.
Bien que non contraignante, la Motion 067 est un texte important pour la mise en œuvre de solutions concrètes, fondées sur une réforme profonde du rapport des humains avec les « êtres vivants ». Elle invite les Etats à revoir les cadres légaux nationaux et internationaux pour intégrer les principes du droit écocentrique, tout en renforçant la position de chef de fil de l’UICN dans ce changement de paradigme. La protection de la Nature, et en particulier la préservation des écosystèmes aquatiques, ne peut se faire sans la collaboration de l’ensemble des acteurs de nos sociétés et sans la remise en question d’un modèle anthropocentré. En adoptant cette motion, le Congrès mondial de l’UICN envoie de nouveau un message fort au monde: il est temps de travailler ensemble pour vivre en « harmonie avec les cours d’eau » et préserver les droits du vivant.
