Les droits de la nature, un concept ancien et émergent en Afrique

Aujourd’hui, l’idée de reconnaitre les droits de la nature ne se résume plus à tenir des discours, mais par des actes concrets. Face à l’urgence environnementale, de plus en plus de gouvernements, de groupements d’avocats, d’enseignants-chercheurs, des membres d’une communauté et d’ONG portent, sous une forme ou une autre, des projets de déclaration pour reconnaitre les droits d’entités naturelles. 

Tenant compte de la portée des droits de la nature, cette nouvelle réalité tangible abordée dans plusieurs disciplines connait une évolution croissante d’initiatives sur le continent africain. Un mouvement se développe dans les pays comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Kenya, le Nigéria, l’Ouganda, le Zimbabwe, la Tanzanie pour favoriser l’éducation aux droits de la nature auprès des juristes, des enseignants ou encore des étudiants qui se chargeront, à leur tour, de sensibiliser le grand public. L’introduction des droits de la nature dans la loi nationale sur l’environnement en Ouganda, la rédaction d’une loi sur les droits de la rivière Éthiope au Nigéria, la publication de l’ouvrage de référence « Wild Law » par l’auteur influent Sud-africain Cormac Cullinan ainsi que les actions d’éducation environnementale et de reconnaissance des droits du Parc national Serengeti en Tanzanie sont le fruit de travaux et d’initiatives menés par des acteurs locaux pour promouvoir la vie en harmonie avec la nature et défendre les droits de la nature ainsi que ceux des peuples autochtones.

En Tanzanie, le Parc national Serengeti, mondialement connu pour son abondance en espèces fauniques et sa grande diversité, fait l’objet d’initiatives par des acteurs locaux pour reconnaitre ses droits. Désigné comme un patrimoine et une merveille mondiale, le Parc possède un nombre incroyable d’animaux sauvages avec plus de 500 espèces d’oiseaux et 300 espèces de mammifères (dont 80 grands mammifères). [1] [2]

Communément appelées « plaines sans fin » par le peuple autochtone Masaï, le Serengeti est le lieu de la plus grande migration animale restant intacte dans le monde, dans laquelle plus d’un million de gnous et des centaines de milliers d’autres ongulés (gazelles, zèbres) s’engagent dans une randonnée circulaire annuelle de 1 000 km, à cheval sur les deux pays voisins entre le Kenya et la Tanzanie. Ibid.

L’ampleur de ce phénomène de renommée mondiale est menacée par plusieurs facteurs interdépendants, entre autres la prolifération d’habitations dans cette magnifique réserve animalière, la croissance de la population humaine, la pression anthropique pour profiter des services écosystémiques, la modification d’affectation des terres et les changements climatiques. [4]

Étant donné que le parc ne dispose que de la rivière Mara où l’eau coule en permanence, la rareté de l’eau de surface représente par ailleurs une menace pour l’intégrité du Parc national Serengeti.

Voici un extrait tiré du questionnaire qui a été soumis à Kisula Yeyeye, un activiste et membre de l’organisation Nature’s Rights de la section en Tanzanie qui œuvre pour reconnaître le Parc national Serengeti comme sujet de droit.

1. Quelles sont les raisons qui vous pousse à vouloir reconnaître le Parc national du Serengeti comme une entité juridique ?

« La raison pour laquelle on veut reconnaître le Parc national du Serengeti comme une entité juridique est due au fait que les gens détruisent la nature parce qu’ils la considèrent comme leur propriété, ils ne sont pas soucieux en matière de protection et de conservation de la nature. Ils pensent donc qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de la nature. Par exemple un parti politique opposant au gouvernement actuel, avait l’intention de construire une route dans le Parc national du Serengeti. Ainsi, lorsque le Parc national du Serengeti sera reconnu, il pourra être habilité à déposer des pétitions au nom de l’écosystème, ce qui permettra de préserver notre nature pour les générations futures. La nature doit se développer librement et l’influence humaine doit disparaître. Octroyer un droit au Parc national Serengeti reviendrait à lui donner le droit d’exister, de persister, de maintenir et de générer ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et son processus d’évolution.

La nature et l’être humain dépendent l’un de l’autre pour exister, l’homme dépend de la nature pour tout et n’importe quoi, si la nature est détruite, alors cela détruira l’écosystème, c’est pourquoi le Parc national du Serengeti est très important pour la Tanzanie et le monde en général. »

2. Quels sont les acteurs ayant un impact positif et négatif sur le Parc national du Serengeti?

« Les acteurs qui ont un impact positif sont des activistes comme Kisula Yeyeye et la section tanzanienne de Nature’s Rights, ainsi que certains politiciens, étudiants et élèves locaux et des enseignants qui bénéficient de séminaires et d’ateliers de la section tanzanienne de Nature’s Rights. Nous (les acteurs) sommes très préoccupés à faire en sorte que le Parc national du Serengeti soit reconnu et obtienne une entité juridique, ce qui peut aider le Parc national à défendre ses propres intérêts et à avoir le droit d’intenter des poursuites pour les générations futures.

Les acteurs qui ont un impact négatif sur le Parc national du Serengeti sont des politiciens et certains membres du parlement qui cherchent à faire du parc un objet politique. »

3. Connaissez-vous des moyens efficaces et fructueux pour reconnaître une entité naturelle comme sujet de droit en Afrique ?

« Ils passent par la consolidation et la reconnaissance, après quoi chaque pays africain doit mettre en place une loi (Constitution). Cela sera la meilleure façon de reconnaître une entité naturelle, parce qu’elle sera considérée comme un être humain en raison des droits qui lui sont dus et sera poursuivie pour ses propres droits. La loi doit être forte et très sévère à l’égard des contrevenants à la nature dans les parcs nationaux et cela pourrait inciter les gens à craindre d’enfreindre les lois concernant la nature. »

4. Avez-vous d’autres projets en cours visant à reconnaître des entités naturelles comme sujet de droit en Tanzanie ?

« Les projets en cours ne sont que deux. L’un concernant la plantation d’arbres et l’autre la formation à la conservation et à la protection de la nature dans quatre districts. Après ces projets, j’ai l’intention de m’installer dans cinq autres districts, mais cela dépendra des fonds disponibles. »

5. Sur quoi souhaitez-vous que l’OIDN vous apporte son soutien ?

« Je n’ai pas de voiture ou de moto pour aller d’un point à un autre, car depuis que j’ai terminé ma licence en droit en 2008, je me suis engagé dans la conservation et la protection de la nature. Je n’ai pas de sources de financement, mais je travaille avec mon énergie, quels que soient les défis auxquels je suis confronté. Également, je ne dispose pas d’outils de travail pour collecter des données lorsque je suis sur le terrain. Voilà mes défis… S’ils sont relevés, nous réussirons notre plan pour servir la nature en Afrique et dans le monde en général. »

En ce mois de générosité marqué par la journée mondiale de l’aide humanitaire le 19 août, nous (l’OIDN) sollicitons votre bienveillance pour aider notre partenaire Tanzanien à promouvoir la reconnaissance du Parc national de Serengeti, incluant la rivière Mara, comme sujet de droit.

Cliquez ici pour supporter notre travail.

Ensemble, nous préserverons et défendrons Mère Nature.

[1] UNESCO Centre du patrimoine mondial. (Inconnu). « Parc national de Serengeti ». Consulté le 31 juillet 2020. https://whc.unesco.org/fr/list/156/. [2] « Informations de voyage sur le parc national du Serengeti – Tanzanie ». Consulté le 31 juillet 2020. https://www.serengeti.com/information-serengeti-national-park.html. [3] National park Serengeti, Tanzanie. (2018). Tanzania great migration Serengeti [Photo]. Tiré de https://www.serengeti.com/index.html [4] L’Université norvégienne des sciences et de la technologie (NTNU). (2015, 21 mai). « Le parc du Serengeti disparaît ». ScienceDaily. Consulté le 31 juillet 2020 sur www.sciencedaily.com/releases/2015/05/150521210608.htm [5] Patry, M. (2005). Parc national Serengeti [Photo]. Tiré de https://whc.unesco.org/uploads/thumbs/site_0156_0006-500-375-20151104180755.jpg

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